Bien
que beaucoup de nos professeurs de philosophie et de français semblent considérer
le jeu vidéo uniquement comme un divertissement de masse, il arrive parfois
quelques perles artistiques, surtout lorsqu'on s'intéresse aux jeux indépendants.
Ces jeux qui se sont récemment développés sont créés par une petite équipe qui
se débrouille sans éditeur et s'éditent sur internet, que ce soit sur steam, le
playstation network ou le Xbox live arcade.
Braid
est l'un de ces jeux indépendant qui sert l'art et la littérature, construit
comme un excellent roman, tout en mise en abîme pour que le fond ne soit pas ressenti qu'à travers la chronologie de l'histoire, mais dans tous les moyens
utilisables ce qui décuple les sensations et l'implicite de ce fond. Je vais
d'abord parler globalement du jeu, puis parler du rendu, toujours en le
reliant avec le fond du jeu.
Tim,
jeune homme soigné, est le héros que vous incarnez dans ce jeu de réflexion
en deux dimensions. Vous passerez aisément de salle en salle mais le réel but
du jeu consiste à récupérer toutes les pièces de puzzle réparties dans les
salles. C'est dans la récolte de ces pièces que Braid devient un jeu de
logique, dont le principe basique repose sur le pouvoir de remonter le temps,
comme on rembobinerait une cassette. Ainsi, si le héros meurt pour diverses
raisons, il suffit d'appuyer sur un bouton pour revenir juste avant votre
erreur et la réparer. Cependant, malgré l'absence de limitations, le jeu reste
complexe, faisant appel à votre cerveau et un peu de votre doigté, et revenir
en arrière sera soit obligatoire pour finir l'énigme et prendre la pièce de
puzzle, soit inutile.
Le
jeu se sert de nos repères habituels au niveau de l'histoire, tout en
conservant une certaine distance et une certaine ironie. Tim veut retrouver sa
« princesse » dont on entend parler dans les livres verts, mémoire de
Tim, qui rythme notre aventure. Cela rappel les jeux Mario, à la trame niaise
et basique, mais l'ironie est qu'on comprend aussitôt qu'il veut récupérer
cette princesse parce qu'il l'a perdu par son inattention, et dans l'un des
premiers livre qu'on trouve, le titre du jeu prend son sens : « il
revoit la princesse le quittant, balançant sa tresse avec dédain » Braid
voulant dire tresse en anglais. Le pouvoir de remonter dans le temps est ce
qu'il souhaiterait dans la réalité, ce qui explique que ce soit son pouvoir
dans le jeu. Ce jeu est donc purement introspectif, nous obligeant à nous
balader dans ce qui doit se rapprocher du monde idéal de Tim.
Ensuite,
comme dit plus tôt, c'est de la réflexion, de la pure et dure ! Le jeu
introduit des pouvoirs nouveaux à chaque monde, qu'il nous fait comprendre
intelligemment, et s'en ressert dans le reste des niveaux qui suivent.
Cependant, certaines choses servent aux énigmes sans que vous pensiez vous en
servir comme tel. Je vous recommande d'ailleurs de ne pas tuer les ennemis sans
réfléchir, ce sont quasi-systématiquement des éléments du jeu à utiliser
intelligemment pour venir à bout d'une pièce de puzzle. Le monde est divisé en
cinq mondes comportant ces pièces de puzzle. Ces pièces, comme les étoiles de
Mario, vous permettront de passer dans le monde final. Le tout se présente dans
une maisonnette dans lequel on ne peut pas remonter le temps (ce serait donc sûrement
la réalité de Tim) dans lequel il y a cinq portes, menant systématiquement à
une salle nuageuse dans laquelle se trouveront les livres et d'autres portes
menant au niveau (sûrement la transition entre la réalité et le monde idéal de
Tim)
Après
la vision globale du jeu, je vais me pencher sur son rendu à l'écran, donc les
musiques et les graphismes.
Le
réalisateur, Jonathan Blow, a acheté sa bande son sur un site appelé Magnatune.
Trois artistes y ont contribué : Jami Sieber, Shira Kammen et Cheryl Ann
Fulton, musiciens de morceau dans un style médiéval. Ce style se colle
parfaitement au jeu et fait une grande partie de son ambiance. Elle est riche,
belle et enjouée dans une salle, et triste, vide et hésitante dans une autre.
Je pense d'ailleurs que chaque salle, bien analysée, se rapproche d'une partie
de la vie de Tim. La maisonnette, quand à elle, ne comporte pas de réel thème,
juste un fond sonore. Elle est utilisée en se calquant sur le temps, ce qui
rajoute en immersion et en compréhension lors de ces phases de jeu.
Graphiquement, le design de Tim et de ses ennemis est très
spécial, très grotesque et assez réaliste, donnant une impression de classe
supérieure bourgeoise voire noble. Les images sont toutes reliées à cet
imaginaire, y compris les tableaux que vous créerez en reliant les pièces de
puzzle, ce qui vous permettra sans aucun doute de mieux visualiser et
comprendre l'histoire du héros. Les décors, quand à eux, ressemblent à des
tableaux à l'huile peints avec de larges tâches de couleurs, comme des tableaux
impressionnistes. Lorsqu'ils sont en mouvement, on voit que les tâches se
déplacent toutes indépendamment les unes des autres, ce qui donne une
impression de flou, remettant en évidence leur irréalité.
Vous
l'aurez compris, Braid est un jeu original, intéressant et intelligent. Je le
recommande à ceux qui aiment tenter de comprendre et qui sont curieux. Les
divers médias qu'utilise le jeu vidéo servent le fond du jeu, des références à
Mario qui servent à rappeler notre enfance et notre naïveté d'alors, au système
de jeu qui se relie directement avec la vie de Tim. C'est un jeu qu'on peut
dire "poétique" dans le sens où tout est lié par des procédés
réfléchis, et je le recommande impérativement à tous les premières qui ont un
peu de mal à comprendre comment analyser un texte, ça peut vous faire
comprendre comment tout y est relié de façon plus intuitives, plus concrète. Et
je le conseille aussi à ceux qui aiment les jeux de logiques, bien entendu, ce
qui était d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai démarré le jeu, ne m'attendant
pas à une expérience aussi formidable. Si vous y avez joués et avez trouvés ça
génial comme moi, alors je vous recommande de vous renseigner sur "The
witness", le prochain jeu du réalisateur !